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Madagascar: Salohy - aimer, malgré tout

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Madagascar: Salohy - aimer, malgré tout

Je m’appelle Salohy, j’ai 31 ans.
Quand j’étais petite, j’étais la joie de vivre de ma famille. Mes parents m’aimaient tendrement. Ma mère disait souvent que j’étais “la lumière de la maison”. Mon père, un homme fier et protecteur, me portait dans ses bras en disant que je serais un jour “une femme respectable, une épouse et une mère exemplaire”.
Je croyais en cet avenir qu’ils imaginaient pour moi.

Mais en grandissant, j’ai compris que je n’étais pas comme les autres filles.
Je ne rêvais pas de princes charmants ni de robes de mariée. Ce qui faisait battre mon cœur, c’étaient les sourires, la force, la douceur d’autres filles.
Au début, je ne savais pas vraiment comment nommer ce que je ressentais. Je savais juste que c’était vrai.

Très vite, j’ai compris aussi que ce “vrai” pouvait me coûter cher.
Dans mon quartier, dans mon école, on se moquait facilement des filles jugées “trop masculines”. Alors j’ai appris à cacher qui j’étais.
Pendant des années, j’ai porté un masque : celui d’une fille “normale”, qui rit aux blagues qu’elle déteste et qui feint d’être attirée par les garçons.
À force de me cacher, je me suis peu à peu perdue.

Puis, un jour, j’en ai eu assez de vivre dans la peur.
J’ai rencontré Mirellah, une femme douce, forte et pleine de lumière. Avec elle, j’ai compris que l’amour n’a pas de genre, qu’il ne fait que grandir là où il trouve de la vérité.
C’est elle qui m’a donné le courage de dire la vérité à ma famille.

Mais ce moment, je m’en souviendrai toute ma vie.
Mon père est resté silencieux, ma mère a pleuré pendant des jours. Puis, ils ont fini par me chasser de la maison, me disant que j’étais “une honte”, que “Dieu n’aime pas les femmes comme moi”.
J’ai passé des nuits dehors, hébergée par des amis, pleurant, doutant, regrettant même d’avoir dit la vérité.
Mais au fond, une petite voix me disait : tu as bien fait. Tu vis enfin en accord avec toi-même.

Aujourd’hui, je vis avec Mirellah, ma compagne, mon roc.
Je continue à me battre pour mes droits, et pour ceux de toutes les personnes comme moi, celles dont on nie encore la dignité, qu’on réduit au silence, qu’on juge sans comprendre.
Je prends la parole dans des espaces communautaires, j’éduque, je partage, j’écoute.
Je rêve d’un monde où plus personne n’aura peur d’aimer.

Je tente aussi, peu à peu, de renouer avec ma famille.
Les blessures sont encore ouvertes, les mots encore lourds. Mais j’y crois. Parce que l’amour, le vrai, finit toujours par trouver son chemin.

Je sais que beaucoup ne comprennent pas notre existence.
Mais laissez-moi vous dire ceci :

Les personnes comme nous, malgré nos différences, sont aussi des êtres humains.
Nous avons des rêves, des ambitions, des émotions.
Nous méritons d’exister. Nous méritons d’aimer. Nous méritons nos droits.

Je m’appelle Salohy, et je ne veux plus vivre dans l’ombre.
Je veux simplement vivre libre, aimée, et digne.

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